Petits arrangements entre amis : autres lectures conseillées.
Le site OWNI revient sur le rapport publié par une équipe de l'Université d'Austin au Texas en février 2012, pas franchement objectif (et pour cause !) :
Concernant un des auteurs de l'étude, on y apprend notamment que "l'ONG Public Accountability Initiative a révélé qu'il siégait au conseil d'administration d'une société exploitant ces hydrocarbures, Plains exploration & production, dont il détient pour 1,6 million de dollars de parts au capital [...]". Cette ONG "est une organisation à but non lucratif visant à exposer les conflits d'intérêt au sein de la société américaine. Son projet phare, LittleSis (pour "Little sister", l'inverse de Big Brother), vise à établir une cartographie des réseaux d'influence liant les milieux du pouvoir et de l'économie aux Etats-Unis [...]".
"La guerre des publications scientifiques entre pro et antigaz fait rage. L'université d'Austin, Texas - celle où a été formé Bruno Courme, le M. Gaz-de-Schiste de Total en Europe - a publié en février un rapport de 400 pages dédouanant les gaz non conventionnels. "J'ai listé toutes les nuisances dénoncées par des particuliers - pollution de l'eau, de l'air, présence dans le sang de taux élevés de benzène -, je suis allé regarder les faits et je n'ai trouvé aucun lien entre la fracturation et les troubles constatés, martèle le professeur Ian Duncan, principal auteur de l'étude, lorsque nous l'interviewons sur son campus. Pour moi, il s'agit quasiment de pensée magique : les gens sont anxieux de se retrouver avec un puits à côté de chez eux et se focalisent sur des problèmes qui préexistaient au forage." Une conclusion ternie par la révélation, il y a quelques semaines, de liens financiers unissant le coordinateur de l'étude, Charles Groat, et PXP, société de forage spécialisée dans les gaz de roche.
Extraits :
"Les compagnies pétrolières ont boycotté la dernière conférence de l'ASPO, mais elles reviennent à la charge à travers un rapport qui affirme que les sous-sols recèlent suffisamment de pétrole pour alimenter la planète pendant tout le siècle.
Diffusée en juin, l'étude signée de Leonardo Maugeri, ancien dirigeant du groupe pétrolier italien Eni, intitulée Pétrole, la prochaine révolution, a suscité un vif débat dans la blogosphère des énergéticiens. Financée par BP, cette étude est éditée par le Belfer Centre de la Kennedy School de Harvard : un label à première vue prestigieux. Du nom de Robert Belfer, de la compagnie pétrolière Belco, puis dirigeant d'Enron, compagnie d'énergie qui s'est illustrée par un scandale historique, le Belfer Centre est de ces think tanks américains financés par le monde des affaires, incrusté au cœur des universités les plus prestigieuses en contrepartie de substantiels subsides. Le directeur du Belfer Centre, Graham Allison, est lui-même dirigeant de la Getty Oil Company, Belco Oil & Gas, Natexis, et membre du comité de direction d'une dizaine de grandes banques et entreprises. Parmi les dignitaires du Belfer Centre, on trouve aussi Robert Zoellick, dirigeant de la Banque mondiale, et Ashton Carter, tous deux proches de Goldman Sachs. A y regarder de près, difficile de considérer le Belfer Centre comme un centre de recherche indépendant de tout intérêt financier.
L'offensive lancée par le Belfer Centre présente des similitudes troublantes avec celle des marchands de doute sur le climat. Le protocole est le même : des think tanks pseudo scientifiques, financés par les compagnies pétrolières et l'industrie du tabac, visaient à discréditer le GIEC et à faire passer le changement climatique pour une fiction [...].
Reste que M. Maugeri reconnaît que le XXIème siècle ne réservera plus de découvertes de nouveaux grands champs de pétrole conventionnel. La plupart des plus grands bassins pétroliers du monde [...] ont atteint «leur maturité technologique», ce qui veut dire que de nouveaux moyens doivent être en œuvre pour prolonger leur productivité. «Mais un nouveau paradigme pourrait rendre ces questions infondées», annonce Maugeri : celui de la «dé-conventionalisation» des réserves. Par ce terme quelque peu inquiétant, l'auteur [...] désigne l'expansion des pétroles non conventionnels [...] : «Le pétrole difficile d'aujourd'hui sera le pétrole facile de demain», [...] prophétise Maugeri [...].
Pourtant, la croissance la production des gaz de schistes aux Etats-Unis risque de n'être qu'un feu de paille : si le débit augmente vite, le forage horizontal ne peut perpétuellement agrandir la capacité de ces puits. Comme l'a démontré l'analyste indépendant et spécialiste des ressources gazières, Arthur Berman lors de la 10ème conférence de l'ASPO fin mai 2012, la ruée vers l'or du gaz et des huiles de schiste de ces dernières années ne pourrait être qu'une gigantesque pyramide de Ponzi : les taux de déclin de ces champs gaziers sont excessivement rapides, ce qui implique d'en forer de plus en plus, donc de mobiliser des investissements croissants pour enrayer la décroissance fatale de la ressource. A l'appui de cette thèse, lors de la conférence de l'ASPO, à Vienne, le 30 mai dernier, Arthur Berman a présenté la balance des paiements déficitaire des principales compagnies gazières américaines, et a annoncé la faillite imminente d'une partie d'entre elles [...].
Au-delà de cette bataille de chiffres, ce sont des visions du monde qui s'affrontent. Celle des «piquistes», qui, à travers le spectre de la fin du pétrole facile à extraire et bon marché, annoncent l'avènement d'un mur énergétique qu'il faudrait anticiper. Celle des «cornucopiens», pour qui le mythe conservateur de la corne d'abondance de ressources extensibles à l'infini doit être perpétué, quel qu'en soit le coût écologique, afin de continuer à faire tourner à plein régime le moteur des sociétés industrielles pour satisfaire encore et toujours leur addiction".